Brève présentation
Je m’appelle Anne-Gaëlle Chaux, et suis actuellement professeur des universités, praticien hospitalier à l’UFR d’odontologie et au CHU de Nantes.
Quel est votre parcours universitaire et professionnel (internat ? mobilité à l’étranger ?) ?
Après les études d’odontologie à Lyon, j’ai passé l’internat en odontologie (à l’époque non spécialisant), car je souhaitais approfondir ma formation en chirurgie et en cancérologie. J’ai été affectée à Lyon, où j’ai pu progresser en chirurgie orale, en cancérologie (stages au centre anticancéreux) mais également en prothèse (adjointe, conjointe, supra-implantaire). En parallèle, j’ai validé mon Master 1, validé le DU de cancérologie des voies aéro-digestives supérieures et commencé le DES de chirurgie buccale. A la fin de l’internat, j’ai été recrutée par un confrère libéral pour développer une activité de chirurgie et implantologie dans leur cabinet. Au bout de 18 mois, on m’a proposé un poste d’assistant hospitalo-universitaire partagé entre la faculté d’odontologie et le centre de lutte contre le cancer.
Au cours de l’assistanat, j’ai validé un Master 2 et débuté une thèse pour le doctorat d’université dans le domaine de la recherche clinique en cancérologie, à l’université de Grenoble. Ensuite j’ai passé le concours de maitre de conférences des universités, activité que j’ai exercée en partageant toujours mon temps hospitalier entre le CHU et le centre de lutte contre le cancer. Une fois la thèse de doctorat d’université soutenue, j’ai préparé l’habilitation à diriger les recherches, puis passé le concours pour devenir PUPH, et j’ai emménagé à Nantes !
Pourquoi vous êtes-vous dirigé vers une carrière HU (motivations ? recherche ? enseignement ?) ?
Plusieurs éléments m’ont motivée pour une carrière hospitalo-universitaire : d’abord et en tout premier lieu, l’enseignement et la transmission. C’est quelque chose qui m’a toujours intéressée, depuis que je suis enfant j’ai eu envie d’enseigner. Et pour être un bon prof, il faut se tenir au courant des évolutions dans notre domaine, on n’a pas le choix car les étudiants et les internes nous challengent au quotidien. L’exercice hospitalier m’attirait pour la transversalité, on travaille avec beaucoup de spécialités médicales, et c’est très stimulant. J’ai découvert la recherche relativement tardivement dans mon cursus, et j’ai principalement fait de la recherche clinique, ce qui peut être parfois un peu décourageant mais passionnant.
Avez-vous suivi une formation particulière avant d’exercer à l’hôpital ? Si oui, combien de temps ?
L’internat, différents DU (cancérologie, implantologie), et une expérience de collaboration libérale m’ont aidée à mieux appréhender l’exercice hospitalier.
Avez-vous effectué des travaux de recherche ? S’inscrivaient-ils dans des programmes de recherche nationaux ou internationaux ? Si oui, était-ce une obligation ?
Côté recherche, j’ai d’abord travaillé en imagerie, puis en cancérologie (implantologie en cancérologie). Ce projet était financé par un PHRC-K (national). J’ai ensuite développé un axe de recherche sur l’os irradié en développant un modèle expérimental et en testant différentes modalités de traitement ou prévention de l’ostéoradionécrose. L’intérêt de participer à un programme de recherche national est que cela m’a appris à monter et mener à bien un projet d’envergure.
Pratiquez-vous un exercice en libéral en parallèle ? Si non (exclusivité de l’exercice hospitalier), avez-vous des consultations personnelles et y a-t-il un souhait d’élargir ce type de vacations ?
Jusqu’en 2021, j’ai eu la chance d’avoir un gros exercice personnel à l’hôpital au centre de lutte contre le cancer (environ 45 patients par semaine + du bloc opératoire). Depuis ma prise de poste à Nantes, j’ai une vacation d’activité personnelle, où je réalise principalement des orthèses d’avancée mandibulaire pour répondre à un besoin dans le bassin nantais. Je travaille également au bloc opératoire régulièrement avec les ORL pour la mise en place d’implants extra-oraux.
Quelles sont les différentes missions d’un HU ?
Selon moi, en tout premier lieu, la formation des jeunes professionnels pour la partie universitaire ; et côté hospitalier, prendre en charge de la meilleure façon le patient. Et pouvoir proposer des soins de recours, plus pointus et techniques que ce qui est possible en libéral. Enfin le 3e volet, c’est la recherche : proposer des axes de recherche qui permettront d’améliorer la prise en charge des patients et les connaissances.
Quels sont les avantages et les inconvénients ? Y a-t-il des difficultés particulières liées à ce métier ?
Les inconvénients : beaucoup de travail si on s’investit, et la difficulté à remplir complètement la triple mission d’enseignement, recherche et clinique, le tout en 24h ! Financièrement bien sûr il y a un décalage avec les confrères libéraux, alors qu’on nous demande beaucoup de prérequis afin d’avoir un poste. Et puis la lourdeur des structures hospitalière et universitaire fait que si nous avons un besoin, cela met du temps avant qu’on nous réponde.
Les avantages sont très nombreux, beaucoup plus à mon sens. D’abord le travail en équipe, les échanges avec les collègues, les étudiants, les internes… Ensuite la stimulation intellectuelle, on saute d’un cas clinique à l’autre, on réfléchit comment on peut faire passer un message au niveau pédagogique, on travaille sur un projet de recherche, bref on active à fond nos petites cellules grises. Je trouve clairement que la stimulation intellectuelle est supérieure en milieu HU.
Y a-t-il un écart de revenus conséquent entre profession libérale et hospitalière ?
Oui bien sûr. Néanmoins un enseignant HU titulaire (MCU, PU) a un salaire confortable en regard du salaire moyen français, ou des autres enseignants (du secondaire ou de fac). La déclaration d’impôts est plus simple à faire aussi !!
Comment rendre les carrières HU plus attractives auprès des étudiants ?
Il faut qu’on soit capables de mieux montrer les bons côtés de notre métier, et toutes ses facettes. C’est très varié et cela peut plaire à beaucoup de profils différents. Et aussi de la bienveillance au quotidien dans notre encadrement.
Comment voyez-vous l’évolution du rapport entre l’hôpital public et le libéral ?
La situation est complexe, il faut continuer à prendre en charge les patients habituels et intégrer de plus en plus de nouveaux patients, avec parfois des comportements de soin peu adaptés à notre exercice. Cela peut créer des conflits et une opposition ville-hôpital, ce qui est totalement ridicule, on fait tous le même métier ! Il faut aussi développer les réseaux ville-hôpital, et travailler plus en collaboration. Les praticiens libéraux doivent être intégrés à un vrai réseau de soins, comme en médecine. Tout est à faire, et ce grâce à vous, les jeunes praticiens.
Clarisse GUYOT – VP Recherche